En Tunisie, la rage est considérée comme une maladie épidémiologique préoccupante. Au début de l’année 2025, on a enregistré un décès humain et une augmentation des cas animaux. Par ailleurs, 209 cas positifs de rage animale (sur 1039 prélèvements) ont été enregistrés en 2025. Rappelons que la rage est une maladie zoonotique grave et mortelle. Cette maladie reste un problème de santé publique dans les pays en voie de développement, tuant chaque année des dizaines de milliers de personnes dans le monde, surtout en Asie et en Afrique. En Tunisie, malgré une lutte effective dans le cadre du programme national de lutte contre la rage depuis 1982, plusieurs défis sont encore à relever.
Le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydriques et de la Pêche a annoncé le lancement d’une campagne nationale de vaccination contre la maladie, gratuite et obligatoire, du 1er septembre au 31 octobre 2025, dans le but de protéger la population et les animaux, avec des équipes mobiles intervenant dans tout le pays. Il est à noter que cette campagne est gratuite et obligatoire, dans le cadre du programme national de lutte contre la rage. Les équipes sur le terrain se déplaceront à travers le pays pour effectuer la vaccination, que ce soit dans les centres de rassemblement des animaux ou directement dans les quartiers résidentiels, selon un programme établi à cet effet par les délégations régionales pour le développement agricole.
Encore des cas
La Tunisie a enregistré six décès dus à la rage en 2023, tandis que celle-ci a causé dix décès humains en 2024, une situation jugée préoccupante en raison de la prolifération des chiens errants et d’un recul des campagnes de vaccination, selon des responsables de la santé et des vétérinaires. Dr Kawther Hrabesh, coordinatrice du Programme national de lutte contre la rage, a qualifié la situation épidémiologique en Tunisie d’effrayante, du fait de la propagation des chiens errants partout, sans qu’aucune mesure soit prise pour faire face à cette situation. En outre, elle a confirmé que les infections par la rage ont augmenté ces dernières années, coïncidant avec le déclin de la chasse aux chiens errants, ajoutant que des cas de rage ont été enregistrés dans des zones exemptes de cette maladie. Elle a également critiqué les campagnes contre la chasse aux chiens errants, qui ont entraîné une augmentation des infections par cette maladie mortelle, d’autant plus que les opérations de stérilisation des chiens sont très coûteuses et nécessitent de grandes ressources. En Tunisie, de nombreux efforts sont encore nécessaires pour éviter les cas humains et surtout, pour réduire la maladie chez les animaux. Ceci ne pourrait être efficace qu’avec la collaboration et la coordination avec toutes les parties prenantes concernées.
La lutte continue
En Tunisie, la rage est présente depuis des décennies. Elle a connu une recrudescence importante après la révolution de 2011. Une augmentation remarquable du nombre de cas confirmés a été notée depuis 2012. Cette résurgence a été expliquée par la diminution du nombre de chiens vaccinés en 2011 et par la prolifération de la population canine suite à la multiplication des décharges et des ordures non contrôlées après la révolution. L’amélioration de la lutte contre cette zoonose passe obligatoirement par une meilleure connaissance de la situation épidémiologique de cette maladie et l’évaluation des mesures de lutte mises en place.
La situation semble aller de mal en pis, avec une augmentation des cas humains et animaux, suscitant une inquiétude croissante depuis ces dernières années, aggravée par la présence de chiens errants.
Le doyen des vétérinaires, Ahmed Rejeb, a qualifié la situation de la rage en Tunisie de «scandaleuse», sachant que 10 cas mortels en seulement une année (2024) est un chiffre élevé. Il a rappelé, à titre de comparaison, qu’en 2009, la Tunisie n’avait enregistré aucun cas de rage, mais ces dernières années, les infections ont augmenté, entraînant des décès, en raison du recul des campagnes de vaccination. Selon lui, la détérioration de la situation est due à un «manquement» dans les campagnes de vaccination pour protéger le cheptel animal, et donc protéger les personnes contre cette maladie mortelle. Il est donc souhaitable que cette campagne de vaccination soit mensuelle ou se déroule tout au long de l’année, au lieu d’être organisée une fois par an à une période bien déterminée. En fait, selon l’Institut Pasteur, seul le recours à la vaccination demeure la meilleure solution pour éviter la rage. La solution la plus efficace pour éliminer la propagation de la rage reste toujours de vacciner les animaux domestiques et de ne pas les jeter à la rue, outre la nécessité pour les municipalités d’éliminer les déchets de manière régulière et périodique afin qu’ils ne constituent pas un espace approprié pour l’accumulation d’animaux en liberté et la transmission d’infections…
Hechmi KHALLADI
