L’économie nationale se bat contre vents et marrés. Les indicateurs économiques et financiers subissent bien évidemment, l’impact des facteurs internes et externes. Au fait, le fardeau de la dette, le niveau des réserves en devises et l’inflation suscitent l’intérêt des experts. Le Ramadan représente chaque année une source d’inflation stimulé par la loi de l’offre et de la demande. A ce propos, l’expert-comptable, Rami Rgaieg a fait part au Temps News de son analyse en ce qui concerne l’évolution de ces indicateurs à court et à moyen terme.
Le Temps News : Après le financement de 7 milliards de dinars par la BCT, les réserves en devises ont connu un fléchissement important. Comment voyez-vous l’impact sur l’inflation à court et à moyen terme ?
Les réserves en devises sont essentielles en tant que filet de sécurité financier, utilisées pour répondre aux besoins stratégiques de liquidité de l’économie en cas de pressions sur les comptes extérieurs. Elles servent également de garantie pour les créanciers et les investisseurs étrangers quant à la capacité du pays à honorer ses dettes et à maintenir la continuité des transferts avec l’étranger, leur conférant ainsi un rôle stabilisateur d’une grande puissance. Le financement direct de l’Etat par une Banque Centrale n’est ni une pratique nouvelle ni non admise. Cette pratique implique généralement que la banque centrale finance directement l’État ou achète ses titres émis sur le marché primaire.
Le remboursement de cette échéance a été rendu possible grâce à l’avance exceptionnelle de 3 milliards de dinars accordée récemment par la Banque Centrale de Tunisie à la Trésorerie Générale de Tunisie. Cette facilité accordée par la Banque Centrale au profit du Trésor public découle de l’incapacité de l’État à contracter des prêts extérieurs.
Le financement direct présente des risques latents. Cette pratique peut potentiellement entraîner une inflation élevée à moyen terme. En effet, en augmentant la masse monétaire en circulation, la banque centrale peut favoriser une inflation si la production de biens et services ne correspond pas à l’augmentation de la masse monétaire. Cela peut compromettre la crédibilité de la banque centrale si elle est perçue comme trop interventionniste ou laxiste. De plus, cela peut entraîner une hausse des taux d’intérêt, car la banque centrale pourrait être contrainte de relever ses taux directeurs pour maîtriser l’inflation.
Les prêts directs de la banque centrale à l’État peuvent également conduire à une augmentation de la dette publique, ce qui pourrait avoir des répercussions négatives sur la notation de crédit de l’État.
La réduction des réserves en devises de 14 jours d’importation, passant de 119 jours (équivalant à 25,9 milliards de dinars) le 16 février à 105 jours (représentant 23 milliards de dinars), s’explique par le remboursement, le 17 février, de l’Eurobond de 850 millions d’Euros (au principal), accompagné d’intérêts s’élevant à environ 47,8 millions d’euros. Ce remboursement totalise ainsi 898 millions d’Euros, équivalant à environ 3 milliards de Dinars.
Le remboursement de cet Eurobond entraînera une diminution du solde du compte courant du Trésor le 19 février, passant ainsi de 4,5 milliards de dinars à 1,5 milliard de Dinars. Cette baisse résulte du tirage de 3 milliards de dinars et de leur conversion en euros pour honorer cet engagement.
La BCT sera-t-elle obligée d’augmenter son taux d’intérêt directeur ?
Actuellement, le taux d’inflation se situe à 7,8 %, ce qui demeure inférieur au taux moyen du marché monétaire (TMM) en janvier 2024, lequel était de 7,98 %. Je pense que la BCT envisage de réduire le TMM de 25 points afin de l’aligner sur le taux d’inflation, dans le but de donner un certain soulagement à l’économie tunisienne.
Les perspectives pour 2024 ?
L’année 2024 se distingue comme une période exceptionnelle pour la Tunisie, marquée par le remboursement de dette totalisant 24,7 millions de dinars tunisiens (MDT), dont 17,9 MDT correspondent au principal et 5,8 MDT aux intérêts. L’année verra des difficultés financières et économiques ainsi qu’une hausse du déficit des finances publiques, dans un contexte de négociations entre le gouvernement et le Fonds monétaire international (FMI) qui durent depuis près de deux ans pour mettre en place un programme de réformes économiques accompagné d’un prêt financier. Les défis persistent en ce qui concerne le ralentissement économique, le climat d’affaires et même la pénurie d’approvisionnement en eau.
Propos recueillis par Khouloud AMRAOUI