Par Raouf KHALSI
Dans cette confusion estivale, nous avons comme l’impression que les ardeurs (politiques) ne sont pas près de s’accorder une trêve, ni de prendre du recul. Déchaînement des passions, polémiques de caniveau alimentées par des saltimbanques ratés et cris de fureur des syndicats de la police qui ne cessent de monter au créneau et de se mêler de politique. Les uns et les autres s’oublient, occultant l’essentiel et compliquant davantage une rentrée politique déjà assez compliquée pour des raisons endogènes et exogènes.
Les bombes américaines sont larguées sur le pays l’on ne sait par quel droit d’ingérence. Le soutien français au 25 juillet et ce qui s’en est suivi ? A bien lire le communiqué de l’Elysée, il est assorti de « douces » injonctions et c’est comme si Macron revenait vers Saied la fleur au fusil.
Il faut toujours se méfier de l’Occident qu’il soit « ami déguisé » ou « ennemi bienveillant ». Edgar Pisani n’avait cessé de nous en avertir, et même des temps du fameux gradualisme bourguibien. Bourguiba, comme le dit Jean Daniel, pactisait avec les anciens colons dans ce qu’ils avaient de meilleur pour mieux rejeter ce qu’ils avaient (ce qu’ils ont toujours) de pire.
Sauf que l’ère du gradualisme est finie. C’est que l’islam politique a chamboulé toutes les vieilles pesanteurs des relations internationales.
Il est vrai que Kais Saied cherche des appuis de l’étranger. Et même s’il a tiré à boulets rouges sur les agences de notation, il n’est pas insensible au « diktat » un peu trop asphyxiant du FMI, sachant que ces agences représentent un baromètre incontournable aux yeux des bailleurs de fond.
L’Amérique qui déclare ouvertement qu’elle soutiendra « ses amis » en Tunisie (on sait qui ils sont) se soucie-t-elle vraiment de « la survie » de la démocratie tunisienne ? Non. Ce sont ses intérêts dans la région qui priment, d’autant que l’Algérie de Tebboune est en train d’ouvrir une très grande tête de pont à Poutine. De surcroît, la complicité Tebboune-Saied aura soudain intensifié l’angoisse américaine de voir ressurgir l’orthodoxie pro-soviétique d’un certain Boumediene. Sur ce plan, Bourguiba et Boumediene se haïssaient copieusement.
Et, alors, Saied se retrouve face à un dilemme, et ce dilemme s’appelle l’alignement (c’est-à-dire, l’ancrage) sinon le jonglage, ce qui n’est pas dans son style.
Nous avons nos problèmes internes. Cette affaire de juges révoqués représente à elle-seule un signe avant-coureur des défectuosités de l’unilatéralisme et de l’excès de souverainisme. Mais c’est notre cuisine interne. Comment fédérer les Tunisiens autour d’un projet ouvert au dialogue et qui renverrait des signes positifs, à notre manière, à ceux qui croient que la démocratie tunisienne est en péril ?
Tout est dans la souplesse. Et qui sait si le gradualisme bourguibien ne fonctionnerait pas à l’intérieur.