La femme Tunisienne est la seule au monde qui célèbre deux fois par an la fête de la Femme : le 8 mars, journée internationale des Droits de la Femme et le 13 août, anniversaire du code du statut personnel. Cette journée est une célébration de l’amélioration de la condition de la femme en Tunisie qui a résulté de l’adoption du Code du statut personnel (CPS) le 13 août 1956. Cette journée vise à mettre en avant les réalisations des femmes, à sensibiliser quant à leurs droits et à promouvoir l’égalité des sexes. Elle commémore également les efforts et les réalisations des femmes dans différents domaines, qu’il s’agisse de la politique, de l’économie, de la société ou de la culture.
Cependant, cette journée se déroule toujours dans un contexte marqué par les inégalités. Malgré les efforts des féministes et des militants des droits de l’Homme, des défis subsistent en ce qui concerne l’élimination des discriminations de genre, la lutte contre la violence faite aux femmes et l’amélioration de la représentation des femmes dans les sphères décisionnelles.
Faible accès au marché du travail
Depuis 1956, les mentalités, que Bourguiba voulait changer, ont hélas majoritairement régressé à l’égard du statut de la femme tunisienne. Les violences physique, psychique et économique contre la femme ont connu des summums jamais imaginés ces dernières décennies.
D’ailleurs on a l’impression que depuis qu’on s’est « libéré » du Parti Ennahdha, les mouvements féministes ont pris un peu de recul. Certes le Parti Ennahdha n’était pas l’unique handicap quant à l’émancipation de la femme, d’ailleurs les polémiques sur les propositions historiques de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe), sur les droits de la femme, en est la grande preuve. Il y a deux ans, l’égalité dans l’héritage a crée un tollé où tous les partis politiques confondus ont exprimé leur l’hostilité à la Colibe. Et puis, même sur le marché de travail, bien que les femmes représentent 66% des diplômés du supérieur, les Tunisiennes souffrent d’un faible accès au marché du travail où la gent masculine est toujours favorisée. Et qu’en est-il des femmes rurales qui sont les plus touchées par le chômage ? Et des ouvrières agricoles qui travaillent dans des conditions lamentables et qui sont les plus exposées au problème des inégalités ? Ces femmes qui travaillent dur, pendant des heures interminables, qui nourrissent le pays, et qui en plus de leur travail à l’extérieur, sont obligées d’accomplir leur rôle de mère de famille et toutes les tâches qui y sont associées dans notre culture arabe, notamment le ménage, la cuisine, l’éducation… La situation des femmes dans les zones rurales, est désormais la même.
Selon une étude d’OXFAM (confédération d’organisations caritatives) datant de 2018, les Tunisiennes consacrent en moyenne, huit fois plus de temps aux tâches domestiques et de soins non rémunérées. L’Institut national de la statistique (INS) estime que, à compétences égales, l’écart salarial est en moyenne de 25,4 % dans le secteur privé, pouvant atteindre 44,4 % dans le secteur industriel. Après on se demande pourquoi le taux, pour ce qui concerne les péripatéticiennes en Tunisie a augmenté ?
La fin ne justifie jamais les moyens
Pour certains, la fin justifie les moyens. Le manque d’opportunités de travail, d’encadrement et de sensibilisation, poussent quelques femmes voire des mineures, à se diriger vers des sources d’argent facile.
Il est vrai que par rapport aux autres pays arabes, les femmes ont acquis pas mal de droits, mais cela signifie-t-il pour les mouvements féministes qu’elles peuvent maintenant (re)devenir apolitiques et abandonner les postures militantistes ? Concernant les politiques visant réellement à améliorer la condition féminine, les luttes féministes sont bien loin du compte surtout dans un État structurellement sexiste où l’égalité entre femmes et hommes demeure un leurre. L’égalité n’est pas une apparence qui se cache derrière une image moderniste de la Tunisie et de ses leaders. Espérons que les luttes pour les inégalités et les droits de la femme perdurent. Les problèmes d’inégalités dans le monde arabe sont souvent le fruit d’un phénomène culturel. Et même si la Tunisie, grâce à Bourguiba, a connu, quelques longueurs d’avance sur bien des pays, et pas seulement arabes, notamment pour ce qui a trait au droit de vote des femmes, ou au droit à l’IVG, il n’en demeure pas moins, qu’aujourd’hui, après la décennie calamiteuse sous le règne des islamistes, une régression aura été enregistrée sur bien des plans. Il est un fait que celui qui n’avance pas recule. Cela devrait, en réalité, nous donner à réfléchir. Sur ce qu’il convient de faire, pour rattraper le temps perdu.
Leila SELMI