Selon une enquête réalisée par les Nations Unies (Bureau du Coordonnateur Résident en Tunisie), l’Organisation internationale du Travail et le Programme des Nations Unies pour le développement sur la période allant de février à avril 2022 et qui a touché un échantillon de 7 177 ménages, comportant 29 597 individus répartis dans les quatre gouvernorats de Gafsa, Kairouan, Monastir et Sidi Bouzid, les difficultés économiques de la famille, le faible rendement scolaire et le manque d’intérêt dans la scolarité, sont les principales causes du décrochage scolaire. L’enquête s’est intéressée à la population des jeunes âgés de 15 à 29 ans au sein de ces gouvernorats et a montré que le taux moyen des individus qui ne sont ni employés, ni en études, ni en formations (NEET) se situe à 26,3 % et une des principales raisons du décrochage scolaire parmi les NEET est le manque de moyens pour financer le coût de la scolarité.
En effet, les rêves éducatifs de nombreux jeunes Tunisiens sont brisés par une réalité alarmante : 32,4% d’entre eux abandonnent l’école en raison des difficultés financières auxquelles font face leurs familles, selon la même enquête. Cette statistique poignante révèle une crise silencieuse dans le système éducatif tunisien, mettant en lumière les obstacles financiers auxquels sont confrontés les élèves et la nécessité urgente de trouver des solutions pour préserver le droit à l’éducation pour tous. Les familles confrontées à des difficultés économiques sont souvent contraintes de prendre la douloureuse décision de retirer leurs enfants de l’école pour alléger la pression financière. De plus, les dépenses liées à l’achat de fournitures scolaires, de uniformes et de matériel éducatif peuvent s’accumuler, devenant un fardeau financier insupportable pour certaines familles. Même dans les établissements publics, certains frais peuvent subsister, constituant un obstacle majeur pour les familles aux revenus limités.
Dégâts collatéraux
Il est important de rappeler les conséquences profondes de l’abandon scolaire. Chaque abandon scolaire représente une perte potentielle de talents et de compétences pour la Tunisie. Ces jeunes privés d’éducation risquent de ne pas atteindre leur plein potentiel professionnel. Plus encore, le décrochage scolaire peut contribuer à perpétuer le cycle de la pauvreté en limitant les opportunités d’emploi et en compromettant la mobilité sociale. C’est pour cela, qu’il faut agir rapidement. D’abord, il faudrait envisager des réformes éducatives visant à réduire les coûts associés à la scolarité et à garantir un accès équitable à l’éducation. Ensuite, il faudrait aussi penser à un soutien financier aux familles. Des programmes de soutien financier ciblés pour les familles à faible revenu peuvent également contribuer à alléger le fardeau financier lié à l’éducation. Faudrait aussi insister sur la sensibilisation communautaire.
Sensibiliser les communautés sur l’importance de l’éducation et sur les conséquences de l’abandon scolaire peut encourager un soutien accru aux jeunes élèves. Et pourquoi pas, penser à un partenariat public-privé. Etablir des partenariats entre le secteur public et le secteur privé pour créer des programmes de bourses et des initiatives visant à faciliter l’accès à l’éducation.
L’abandon scolaire en raison de difficultés financières est un problème urgent qui nécessite une action immédiate. Investir dans l’éducation des jeunes est un investissement dans l’avenir de la Tunisie, garantissant une société plus éduquée, compétente et équitable pour les générations à venir. D’ailleurs, deux grandes voies se dégagent pour prévenir et réduire le décrochage scolaire, et elles sont complémentaires. Une première voie, d’orientation nettement préventive, consiste à mettre en place une organisation et un fonctionnement de l’école qui rend l’expérience de l’élève positive, réduisant ainsi la probabilité que les élèves à risque deviennent effectivement vulnérables.
La deuxième voie, d’orientation corrective, consiste à dépister adéquatement les élèves qui présentent des risques de décrochage et à leur offrir un soutien individualisé, adapté à leur profil spécifique. Plus on se préoccupera tôt de l’enfant en difficulté scolaire, plus on évitera ensuite que l’échec ne se creuse. La santé scolaire d’aujourd’hui, c’est la santé mentale et sociale du lendemain.
Leila SELMI