Par Slim BEN YOUSSEF
La Tunisie, qui aspire à se doter d’un statut de « porte d’Afrique » pour le commerce international, mise beaucoup sur la mise en place et la mise en marche d’un corridor terrestre continental qui relierait les ports de notre pays, donnant à la Méditerranée, à cinq pays enclavés d’Afrique centrale, à savoir le Tchad, le Niger, le Mali, le Burkina Faso et la République centrafricaine.
Ces cinq pays enclavés, privés d’un accès à la mer et par conséquent aux ports commerciaux, sont aujourd’hui plus que jamais isolés depuis la rupture de leurs relations avec leurs voisins côtiers d’Afrique de l’Ouest ligués dans la Cédéao, et à leur tête le Nigéria, le Ghana, le Bénin et la Côte d’Ivoire, qui ont fermé leurs frontières après les coups d’Etat souverainistes effectués ces dernières années dans ces pays enclavés.
En plus de cette rupture avec la Cédéao, accusée au passage de « soumission aveugle à la France », les nouveaux gouvernements souverainistes du Niger, du Burkina, du Mali, de la Centrafrique et du Tchad ont également rompu leur lien avec la France, ex-puissance coloniale et qui s’accaparait pendant plusieurs décennies du statut du premier, si ce n’est l’unique partenaire commercial de ces cinq pays, riches en minerais et en ressources naturelles. Résultat des courses : ces cinq pays enclavés et plus que jamais isolés disposent aujourd’hui d’un potentiel commercial énorme qui intéresse en premier lieu la Russie ; laquelle se tourne vers les marchés africain et asiatique pour faire face aux sanctions occidentales et pallier l’interruption de ses échanges commerciaux notamment avec l’Europe depuis sa guerre en Ukraine. En plus de la Russie, ces cinq pays africains intéressent également et au plus haut point des puissances économiques asiatiques comme la Corée et le Japon, mais surtout le géant Chinois, qui aspire particulièrement à installer ses « nouveaux chemins de la soie » sur le continent africain.
Aussi, profiter de cette nouvelle donne géopolitique en Afrique centrale est-t-il devenu un enjeu économique de prime importance pour la Tunisie. Le principe est simple : offrir nos ports qui donnent sur la Méditerranée comme alternative aux côtes ouest-africaines et installer une zone de libre-échange dans le sud de notre pays, qui deviendrait un point de transit névralgique pour le commerce international. C’est là que le poste-frontière de Ras Jedir, désormais relié aux ports de Zarzis, de Gabès, de Sfax, de Sousse et même de Radès, grâce à l’ô combien précieuse autoroute A1, revêt toute son importance en vue de devenir le point de départ du corridor commercial terrestre vers l’Afrique centrale.
Seul bémol : les crises sécuritaires récurrentes chez nos voisins libyens qui durent depuis plus d’une décennie et qui causent la fermeture fréquente de ce passage important. Avec son nouveau statut commercial, le passage de Hazoua à la frontière algérienne du côté de Tozeur, pourrait constituer une alternative sérieuse à Ras Jedir, vu l’impasse qui semble partir pour durer chez nos voisins libyens. Un parfait « plan B » ? Encore faut-il y travailler de concert avec nos amis algériens et saisir l’opportunité.