Par Slim BEN YOUSSEF
Dans la mythologie grecque, le nectar des dieux est une boisson exquise inaccessible aux humains. C’est à peu près l’équivalent de l’huile d’olive dans la Tunisie d’aujourd’hui.
Le prix du litre annoncé hier en conférence de presse par le ministre de l’Agriculture tombe comme un énième coup de massue. Les prix varieront entre 18 et 22 dinars le litre, dit-il, se targuant en même temps des « bonnes récoltes » de nos terres, de la « grande qualité » de nos olives et des « niveaux records » de nos exportations. Que signifie, en fait, avoir tant de richesse et ne pas pouvoir en jouir ? Dire aux Tunisiens et aux Tunisiennes que notre pays est le deuxième producteur d’huile d’olives dans le monde et l’un des premiers exportateurs d’huile d’olive, qui plus est de très grande qualité, alors qu’ils et qu’elles sont incapables d’en consommer parce qu’il est tout bonnement hors de prix, c’est comme leur dire de vivre d’amour et d’eau fraîche.
Dans la mythologie grecque – diraient certains – au moins ça a le mérite d’être clair : le nectar des dieux, comme son nom l’indique, est une boisson interdite aux humains. À tous les humains. Chez nous, l’huile d’olive, produit phare d’exportation, est une boisson plutôt interdite aux humains locaux. Peut-être, devrait-on appeler un chat un chat et officialiser cela une fois pour toutes dans le JORT pour que les Tunisiennes et les Tunisiens puissent cesser de ravaler leur frustration et puissent admettre le fait accompli.
Et puis restons toujours terre à terre et parlons des prix. De 18 à 22 dinars le litre : vraiment ? Nous savons tous que les prix – les vrais – seront bien plus supérieurs sur le marché. Nos concitoyennes et concitoyens en ont pris l’habitude. Les bananes, les pommes de terres, le poulet, les viandes rouges, le mouton de l’aïd et l’on en passe ; les précédents se suivent et se ressemblent. La formule est simple : il faut toujours ajouter systématiquement une poignée de dinars au montant « fixé » par les autorités et additionner ensuite quelques dinars de plus à chaque fois qu’un responsable du gouvernement en parle publiquement. Plusieurs dinars de plus s’il en parle pendant le journal de 20h à la télévision nationale.
Le gouvernement actuel s’est engagé à consacrer les valeurs de l’État social et œuvrer notamment à garantir la sécurité alimentaire du peuple tunisien, condition sine qua non pour assurer la souveraineté nationale. Cela passe aussi par trouver une équation « équitable » pour que l’huile d’olive puisse redevenir accessible au citoyen lambda tout en restant un produit incontournable pour nos transactions en devises étrangères.