Par Raouf KHALSI
Soixante-huit ans après la promulgation du Code du statut personnel, on en est encore à s’interroger sur l’essence des choses face à un verre à demi plein, ce qui veut dire qu’il est encore à demi vide.
Au-delà du féminisme, bien au-delà de toutes les inclinaisons sexistes et de toutes les formes de ségrégation en l’apparence positive, il y aurait quand même lieu de démêler un écheveau : cette femme si juridiquement forte et relativement bien nantie est-elle socialement puissante ?
Est-elle capable d’infléchir l’ordre des choses dans un modèle patriarcal, malgré tous les slogans égalitaires et les mutations socioéconomiques qui induisent une montée en puissance des femmes au sein du microcosme familial ?
Les temps changent et les mœurs se transposent de nouvelles articulations engendrant quand même un certain paradoxe. A savoir que, plus les femmes montent en puissance et plus elles sont investies de responsabilités, parfois encore plus que les hommes.
Mais l’émancipation des femmes et le duel qu’elles livrent aux hommes dans les études et dans les sphères du travail se heurtent aux vieux réflexes machistes et à des anachronismes d’ordre sociétal et difficiles à combattre.
Le fait même de dire « Fête de la femme », au singulier et non « Fête des femmes » est en soi réducteur, de l’avis de bon nombre de sociologues.
Où en sont donc les femmes tunisiennes, dans leurs prodigieuses diversités, des acquis et de leur accommodement des mutations sociales et économiques qui se multiplient à une cadence effrénée ?
Entre les mythes et l’histoire, les femmes tunisiennes ont des références certaines, elles sont même dépositaires d’un legs féminin et féministe de premier ordre.
Alyssa a bien créé la Tunisie et des femmes, comme effleurées par une inspiration divine, ont été à l’avant-garde de hauts faits historiques.
Maintenant, comment préserver ce legs et comment faire en sorte de chasser tous les tabous alourdissant la condition féminine ?
Si le combat continue, c’est parce qu’il ne faut pas occulter les menaces et les ravages causés aux femmes par l’islam politique.
Oublie-t-on que, du haut de leur satané perchoir, les tribuns récupérateurs d’une révolution confisquée, scandaient que « la femme est le complément de l’homme » ? Oublie-t-on toutes ces jeunes filles réduites à assouvir l’appétit sexuel vorace des combattants de Daech ? Et, plus terre à terre, n’y a-t-il pas lieu de considérer les agressions contre les députées au parlement comme un marqueur révélateur de la banalisation de la violence contre les femmes ?
L’Histoire jugera. Entre temps le combat continue.
En aucun cas, les acquis de la femme et ses droits fondamentaux bien solides dans la constitution, ne seront remis en question.
C’est que la femme n’est plus l’horloge biologique des temps obscurs. Elle n’est plus, non plus, le déversoir du prototype du fameux Si Essayed dans la trilogie de Néjib Mahfoudh.
Elle se bat. Elle lutte encore contre les disparités, contre la précarité dans bien des couches sociales, mais elle est au moins réconfortée par une volonté politique et des mesures de premier ordre pour l’égalité de genre.